Découvrir une appellation, en long en large et en travers, jalonner les terroirs, admirer les paysages, sentir la terre… Quoi de mieux ? Mais, la découvrir dans un restaurant parisien, bien au chaud, avec les vignerons, c’est pas mal non plus… J’ai pu approfondir mes connaissances, au bar à vins, le « Frenchie », dans le deuxième arrondissement de Paris. Les vignerons de l’appellation organisaient un déjeuner, pour fêter les 10 ans de l’appellation.
10 ans ? Vraiment ?
Et oui, Rasteau est célèbre pour son Vin Doux Naturel. La réputation de ce petit village s’est forgée au 18e siècle grâce à ce dernier. C’est avec la naissance des AOC, qu’il obtint son titre de cru pour son vin doux, en 1944. Pour les vins rouges, il faudra attendre 1966, pour avoir le titre de Côtes-du-Rhône Village et 2010 pour l’AOC. Il n’y a ni blanc, ni rosé à Rasteau. Un projet pour les blancs est en cours. En espérant que cela prenne moins de temps…
Les Terroirs
L’essence même d’une appellation, c'est évidemment ses sols. À Rasteau, c’est assez complexe (ce qui est bon signe).
Il y a 5 types de sols, répartis sur 3 niveaux d’altitude. Plusieurs types d’argiles : Des marnes rouges, jaunes et sableuses. Des cailloutis et aussi les fameux galets roulés (je vous livrerai, d’ailleurs, un scoop sur ces derniers, dans le prochain article…)
Mais celle qui fait la véritable identité de Rasteau est la marne bleue. Très spongieuse, elle a une grande capacité à retenir l’eau et à la redistribuer aux vignes par temps sec. Elle va également apporter d’autres facettes aromatiques aux vins, comme des notes salines , d'humus ou encore de jus d'oranges....
Pour les membres de « L’amical des cailloux », vous pouvez creuser le sujet en allant sur le site de la commune. C’est très bien expliqué.
Les Cépages Les vins de l’AOC doivent contenir 50 % de Grenache minimum. Le Grenache est le cépage Roi de notre région et notamment à Rasteau. La sécheresse et l’exposition de ses terroirs offrent des conditions idéales à ce cépage.
Pour faire un Rasteau, il vous faudra compléter avec de la Syrah et du Mourvèdre (20 % minimum)
et s’il vous reste de la place, vous pouvez ajouter d’autres cépages (en petite quantité) dit « accessoires » comme le Carignan, le Cinsault et bien d’autres.
Rasteau, Vins de Chasseur
Il faut quand même en parler, le dire, essayer de comprendre... pour certains, l’évocation du nom de Rasteau peut provoquer un léger soulèvement de la lèvre supérieur gauche, laissant entrevoir un début de canine… Nul n’a besoin d’être un spécialiste du comportement, pour savoir que cet étirement facial n’est jamais un signe d’affection. Pourquoi ? Les vins sont, dans l’imaginaire collectif, des vins (trop) puissants, lourds, avec de l’extraction, de la structure, des vins qu’il faudrait attendre des années pour ne pas qu’ils vous restent sur l’estomac.
Cette image n’est d’ailleurs pas propre à Rasteau. Ce fut un style de vins pendant de longues années.
On a pu dire la même chose des Châteauneuf ou des Gigondas, à une époque. Époque à laquelle les vins affichaient en moyenne 10 degrés, ce n’était donc pas une hérésie de vouloir aller chercher de la matière et de la puissance. Sauf que, sur un terroir, qui peut vous livrer naturellement ce genre de vins, ce n’était peut-être pas la peine d’en rajouter….
Mais voilà, l’évolution climatique est passée par là, les degrés augmentent et les goûts des consommateurs évoluent. La tendance s’oriente sur des vins frais, à la puissance maîtrisée et surtout digestes. Comme les amateurs de vins sont taquins, ils veulent malgré tout, que les vins puissent évoluer et donc tenir dans le temps. Les vignerons cherchent donc cet équilibre.
À Rasteau, cette tendance est pourtant une volonté commune, depuis la naissance de l’appellation. Les vignerons ont, dès le départ de l’Aoc, amorcé ce virage quand d’autres possédaient ce style, depuis toujours.
Ils ont, ensemble, pris conscience de la singularité, de la richesse de leurs terroirs, et compris que la meilleure manière de pouvoir le faire savoir, était de s’effacer devant ces derniers.
Résultat : plus de fraîcheur, de finesse et de complexité.
Mais alors pourquoi cette Image perdure ? Il n’ y a pas qu’une seule réponse à cette question. On pourrait prendre comme argument, la jeunesse de l’appellation, le changement de génération qui se met en place, mais surtout, ma bonne-dame, les a-priori ont la vie dure. Seul le temps fera office de salut. Les nouvelles générations aussi.
Comme Elodie Balme, Frédéric Julien ou encore Mikael Boutin. Les domaines phares de l’appellation continueront à nous sortir de grands vins. ! Les Escaravailles, le Domaine du Trapadis, La Soumade (et d’autres un peu plus bas…) Et enfin, les ambassadeurs ! Des domaines originaires d’autres appellations, ou des négociants, mais qui produisent du Rasteau, comme le domaine Beaurenard, Xavier Vignon, le Domaine Brusset ou encore la Maison Chapoutier…
Maintenant... À table !
Comme tout événement ou rassemblement qui se respecte, on commence évidemment par l’apéro.
Au Bar du Frenchie, se trouvait un large choix de vins représentatifs des vins de l’Aoc. Une telle dégustation, est évidemment le meilleur moyen d’appréhender le style d’une appellation, et de recenser les marqueurs propres à cette dernière. Et donc, je vous le confirme, la fraîcheur était de mise, avec une tension plus ou moins forte selon les vins, mais toujours sans agressivité. Peu, voir pas de vins ostensiblement puissants (ça dépend des sensibilités.) et surtout avec une bonne buvabilité, en somme des vins droits pour la grande majorité.
Je vous en ai retenu quelques uns, vous m’en direz des nouvelles :
Domaine Chamfort - « La Planne » - 2019
Un domaine que j’aime beaucoup, dont je ne parle pas assez…
Un vigneron qui a un style bien à lui. On peut parler d’une patte « Vasco Perdigao ». Elle est très perceptible sur ce vin, avec une matière presque cristalline, une fraîcheur bien maîtrisée et une belle harmonie. Des arômes singuliers de foins coupés se marient parfaitement avec ceux, plus classique de fruits noirs et de réglisse. Du velours...
Domaine du Grand Nicolet - « Vieilles vignes » - 2017
Une découverte !
Un vin avec un grand potentiel. Un équilibre sur la fraîcheur et la structure, qui libère des arômes de fruits noirs et de garrigue. Droit et racé, très séduisant.
Domaine Mikael Boutin - 2020
Une autre découverte ! J’ai eu le plaisir de le rencontrer peu de temps après (et de redéguster), je ne change pas d’avis.
Une complexité typique d'un Rasteau. Une cerise en fanfare, des arômes de mirabelles et de jus d'orange (le fameux terroir).
Une bouche limpide et pleine d'aisance, pour une finale fraîche et expressive.
Qui dit grand vin, dit gastronomie, n’est-ce pas ? Il était temps de passer à table. Même si ce genre d’événement est plaisant et le contact avec les Vignerons, agréable, il ne faut pas oublier que l’objectif de cette expérience était de démontrer les possibles accords mets et vins, dont sont capables les Rasteau. Ils peuvent se marier avec des plats variés et travaillés. Bref, démontrer que l'appellation joue désormais dans la cours des grands.
Je ne vais pas vous dérouler le menu complet, mais… en fait, si ! En entrées : - Gougères à la tomme de brebis, craquelin à la noisette - Ricotta fumée Maison, figues rôties au poivre de timut, sabayon à la ciboulette et sarrasin grillé - Ragout d’agneau confit, olive de Kalamata, citron confit et piment d’Espelette.
Le plat : - Canard de Challans rôti au miel et Ras el Hanout, la cuisse confite en cigarette Et pour finir : Tarte soufflée au chocolat. Bon voilà, vous constaterez de vous-même que les Rasteau ne s’associent pas uniquement avec du sanglier farci à l’ail et à la harissa. Pendant le repas, tous ces jolis plats étaient accompagnés d’autres vins. Là encore de belles découvertes, avec entre autres :
Pour les entrées :
« L’Arbre de vie - 2018 » du Domaine Les Girasols. Le premier millésime de Julien Larum, troisième génération du domaine. Un vin, avec un nez à la fois fin et gourmand. Une bouche limpide, dansante, un brin racé et finement structurée. Un très bon vin
Avec le "Rasteau - 2017" du Domaine Wilfried, on est sur un petit coup de cœur. Un nez très enivrant sur les fruits surmuris comme la cerise griotte. Le tout, accompagné de notes de poivres, de cola et de bâton de réglisse. La bouche est fine, élancée, droite et se termine sur des arômes kirschés. Un vin avec une véritable identité.
Pour le plat : Pour le coup, ce n’était pas une découverte, mais un plaisir de retrouver « Les Adrès - 2017 » et son vigneron, Helen Durand. La complexité et l’intensité de cette cuvée allaient parfaitement avec le canard. Une tenue et une fraîcheur impeccable.
Pour le dessert :
« La Ponce - 2019 », du Domaine des Escaravailles, nous a été servi. Bien que son amplitude, sa profondeur et son côté racé eurent été parfait avec une belle viande rouge, le chocolat fut un bel accord. Je vous avoue avoir espéré, que l’on termine ce repas par un petit vin doux naturel, mais bon… Ce n’était pas le thème…
Que dire de plus ?
Un vin sera grand, ou non, en fonction de plusieurs facteurs, comme la qualité des terroirs, des cépages et le bon vouloir de dame nature. Le savoir-faire du vigneron, sa vision, sa sensibilité et il faut le dire, son intelligence. En dernière instance, il y a notre propre goût. Qu’importe que l’on ne soit pas sensible aux vins que tout le monde s’arrache, ou bien que l’on porte aux nues ceux qui indiffèrent, les « sachants », c’est comme pour tout, on aime ou on n’aime pas.
Évidemment, tous les vins ne se valent pas, c’est à nous, amateurs, de développer notre palais, de comprendre les équilibres, d’être à l’écoute afin de, humblement, mesurer le travail accompli. Si l’on peut percevoir la qualité du travail individuel, le travail collectif, celui d’une appellation, est moins perceptible. Ensemble, Vigneronnes et Vignerons vont étudier leurs sols, en découvrir les complexités, définir un profil de vins. Ils vont échanger sur leurs pratiques à la vigne, mais aussi en cave pour trouver la meilleure manière de retranscrire leurs terroirs. Régulièrement, ils dégustent les vins, afin de vérifier que ces derniers soient dignes d’un cru. Tout ce travail leur permet de grandir ensemble et de porter haut les vins et les couleurs de leur appellation.
Alors cela demande du temps. Il faut fédérer, convaincre, expliquer.
Certains crus font cela depuis toujours, quand d’autres n’en sont qu’à leur début.
Pour Rasteau, cela fait maintenant 10 ans qu’ils ont pris ce chemin.
Lors de cet événement, certes, j’ai bien mangé et bien dégusté, mais j’ai surtout vu des femmes et des hommes fiers et heureux de présenter leurs vins.
Ils portent ensemble leur cru et ont conscience de l’énorme potentiel qu’il a.
Maintenant, c’est à nous, amateurs de bon vins, d’être curieux…
Voilà, que dire de plus ?
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