Si vous vous rendez, un jour, au Domaine des Escaravailles, et que vous vous êtes perdu en chemin, c’est que vous êtes sur la bonne route.
Vous êtes à Rasteau, ça monte, c’est caillouteux et vous évaluez la taille de chaque petit recoin, qui vous permettra de faire demi-tour en cas d’erreur. Ce genre de route qui rompt la confiance que vous avez en Google map… Au bout de quelques minutes, un début de soulagement s’amorcera, à la vue d’une boite aux lettres… Il y a bien quelqu’un qui vit ici !
Et puis, ça continue de monter, de « caillouter ». Oh, ce ne sont pas les montagnes russes, non plus, mais vous vous remettrez à douter, même de l’existence de la boite aux lettres.
Une fois dans les hauteurs, il y a bien un domaine, ouf, une vue magnifique qui vous donne envie de dire, « C’est loin, mais c’est beau ».
Bien avant d’être un domaine, c’était une ferme, exploitée par les pénitents noirs d’Avignon. Si leur fonction était, entre autres, d’accompagner les condamnés à mort jusqu’au bout, ils grattaient aussi la terre à cette endroit. Ces fermiers héritèrent du nom d’Escaravailles, Scarabée en provençal.
Si aujourd’hui Escaravailles résonne avec le nom de Gilles Ferran, ce sera Madeline, sa fille, qui m’accueillera. Elle m’avait prévenu, « Mon père n’aime pas trop les photos », ni trop se montrer. On verra s’il est là.
La dégustation commença tout de suite ! La carte des vins est grande, il n'y a donc pas de temps à perdre !
Madeline est la nouvelle génération du domaine. Petite, elle aimait jouer dans la cave, observer, poser des questions, puis un jour, se mit à aider son père. « Travailler en famille, l’idée de pouvoir compter les uns sur les autres », c’était séduisant. Tout fut donc naturel pour Madeline…
Gilles fit son entrée, un brin observateur à mon égard. Il prit quelques informations sur le visage de sa fille, histoire de sentir si tout se passait bien. Celui qui « aime le contact, mais pas trop » me contât comment les Ferran arrivèrent ici.
En 1953, son grand-père Jean-Louis, courtier en vins, tomba amoureux de l’endroit. Une ferme sans eau, ni électricité et sans vignes, non plus. Le désert en somme. On connaît la suite.
Il finit par s’asseoir et continuait sur son parcours, sa rencontre et son amitié avec Philippe Cambie. Il partagea sa passion pour son métier, « sa maîtresse ». C’est le monde du vin tout entier, qu’il aime, Gilles, et tout ce qu’il procure. Le partage, oui, la bonne table, bien sûr, et les amitiés évidemment.
Il aime goûter le vin des autres, aussi, à tel point qu’il en oublie de goûter le sien…
La dégustation de ses vins, elle, se poursuivait. Je jonglai entre mes prises de notes sur les vins et mes conversations avec Gilles et Madeline.
À Escaravailles, il n’y a pas moins de 19 cuvées (Hors Vin doux Naturel).
Un vin, une histoire ! Et c’est en arrivant à la Cuvée Libérée, que la mienne d’histoire se dessinait.
« Libérée » est la première cuvée de Madeline, son vin.
Si le nom de la cuvée est (officiellement) un clin d’œil ou plutôt un regard sur la période que nous traversons, on peut le voir comme l’envol de celle qui doucement, mais sûrement se fait un nom au côté de celui de son père.
Si je pouvais voir une fierté timide dans son regard, il était difficile de ne pas voir le sourire tendre de Gilles.
Il était tout naturel pour moi de questionner sur cette transmission. Toujours intéressant à savoir, à comprendre. C’est à ce moment-là que les regards en coin, mais complices, d’un père et sa fille se mirent à fuser.
Si Madeline admet que Gilles lui donne sa confiance et des responsabilités, on sent bien qu’elle n’a pas trop de difficulté pour la prendre, sa liberté.
Pas un problème, non plus pour lui, mais il glissera, comme un rappel à l’enfant qui veut grandir vite, qu’il lui a « fallu 10 ans pour reprendre la suite et qu’elle, ça ne fait que 2 ans ».
Si j’ai trouvé cet instant de chamaillerie bienveillante, très joli, il était urgent pour moi de me soustraire à ce moment inattendu. Ne rien altérer pour pouvoir m’en souvenir comme tel. Un moment de complicité entre deux vignerons. La bienveillance d’un père et la tendre impatience de sa fille.
Gilles retourna, quelques instants à ses affaires. Une fois certaine que son père échappera à la conversation, elle me glissa, un brin amusée, que certes « il a du caractère, mais moi aussi ».
J’en arrivai à la fin de la dégustation, qui se termina par celle des vins doux naturels. À ce moment-là, j’avoue que j’ai sauté quelques prises de notes. En réalité, elles avaient cessé depuis longtemps. J’ai arrêté de déguster. Juste envie d'apprécier les vins, la vue, un instant convivial que l’on ne voudrait jamais terminer, et puis Madeline et Gilles.
Merci à eux
Les Vins
Le Domaines Les Escaravailles se situe à Rasteau.
Il produit des vins sur 70 hectares dont 37 en appellation Rasteau.
Ses autres appellations : Vin de France, Côtes-du-Rhône, Côtes-du-Rhône Villages Plan de Dieu et Roaix, Aoc Cairanne et bien entendu, les Vins Doux Naturels.
Il y a évidemment beaucoup à dire et à retenir sur les vins de ce domaine.
À commencer par « Le Petit Scarabée » dont j’ai donné mes impressions dans un « À Boire et à Reboire ».
Je vous recommande également « La Ponce - 2018 » (Rasteau). Expressif, élégant et racé.
« Les Hautes Granges - 2019 » (Roaix). Un vin magnifique. Savoureux, parfaitement équilibré. À oublier quelques années.
Deux autres cuvées ont aussi fait mon bonheur :
Scarabée N°20 - Vin de France - Blanc
Cépages : Roussane, Marsanne, muscat petits grains, viognier, gewurztraminer, riesling
Un nez frais et charmant, expressif. Un beau mariage entre les fruits exotiques (qui apportent du pep's), la rose et le litchi qui viennent adoucir tout ça.
En bouche, Il y a de la douceur grâce à un gras élégant. C'est parfaitement rond avec une belle tenue. De l'amplitude mais sans lourdeur. C'est évidemment frais et une minéralité s'invite au milieu des arômes de fruits.
La finale est généreuse, expressive et se prolonge par une fine tension très agréable.
C'est ce qu'on appelle un jolie vin, voir un gros câlin.
C'est très charmeur, soyeux, bien équilibré et expressif. Il a tout pour plaire et en toute simplicité. J'aime beaucoup...
Prix : 11,50 euros (Excellent rapport qualité prix)
Héritage 1924 - 2017 - Rasteau
Majorité de vieilles vignes de Grenache.
Un nez concentré sur la framboise, la fraise des bois et la réglisse. On y trouve des petites notes de champignons frais et des touches iodées viennent apporter de la fraîcheur, une sensation aérienne.
La bouche est harmonieuse, fruitée, ronde et presque onctueuse. Les tanins sont évidemment très fins et déposent un très léger grain.
La fraîcheur est présente et se retrouve en finale et prolonge sa longueur fruitée.
Un Vin à découvrir ! C’est droit, généreux, et d’une belle harmonie.
Prix : 16,50 euros
Et je termine sur la cuvée de Madeline…
« Scarabée Libéré » - Cairanne - 2020 - Sans Sulfites - Bouteilles N° 1816
Cépages : 70% Grenache - 30% Cinsault
C’est frais et ça sent l’été ! Un nez très joli sur les fruits comme la cerise et la framboise. Il est entrecoupé de notes de foins coupés, qui lui donnent un côté sauvage mais ne lui fait pas perdre sa gourmandise.
En bouche, tout est là. De la tension, de l’affirmation, beaucoup de fruits, des tanins enveloppants et très fins. Il y a une belle souplesse qui rend le tout, bien lisible. C’est facile à boire et en plus, il se passe des choses.
La finale est le simple prolongement de la bouche : Fraîche, Structurée et généreuse.
Libéré oui, mais pas à n’importe quel prix et surtout pas n’importe comment !
C’est un vin droit, très frais et agréable à boire. Entre une douce légèreté et une belle présence.
Prix : 14 euros
Et aussi...
Si vous avez aimé cet article, alors, cliquez sur le petit coeur en bas à droite 😉.
👉🏻Ne manquez aucun article en devenant membres du blog
תגובות