C’est en traînant mes guêtres du côté de Rasteau, que j’ai fait la connaissance d’Helen Durand, du Domaine du Trapadis.(Si un jour vous avez la chance de le rencontrer, épargnez-vous le malaise en prononçant « Hélain » et non « Hélène »… Voilà, ça, c’est dit).
C’était le dernier domaine de ma journée, Helen m’accueille à l’entrée. Je ne sais pas si se sont les écueils du couvre-feu, qui nous dictèrent le programme, ou bien le fait qu’il ressemble étrangement à mon père, mais il n’a eu le droit qu’à des balbutiements, à sa question : « Vous voulez aller dans les vignes ?… Bon, on va se mettre à l’intérieur et on va déguster. »
Les présentations furent rapides, et techniques. Helen me passa en revue son parcours, ses appellations, la composition de son terroir.
Ce sont généralement les introductions auxquelles j’ai le droit (mais au combien nécessaires), avant de pouvoir commencer à saisir l'ambiance, le personnage et aller gratter ce qui me semble singulier. Cela peut aller très vite ou ne jamais arriver…
J’ai été servi
Après ce tour d’horizon, j’ai eu le droit à la ligne directrice, assez répandue dans les domaines « ici, on fait des vins de terroir »… D’accord… « Vous savez ce qu’est un vin de terroir ? ».
Bonne question ! J’avais cette définition élémentaire du terroir, qui est lié à une zone géographique, une histoire commune, à un sol, à un climat et au vigneron. Donc un vin de terroir, pour moi, est quelque chose de spécifique à un lieu, qui est censé être unique. Après… En avoir conscience, ça vient avec le temps.
« Un vin de terroir, c’est un vin avec des arômes qui lui sont propres. Ici, chaque terroir à sa cuvée, et si vous assemblez les terroirs (dans les vins), vous masquez leur personnalité et leur subtilité »
Cette phrase peut paraître anecdotique, mais elle m’a remis le cerveau à l’endroit... Comme si cette notion s'était enfin intégrée.
Au fur et à mesure qu’il développait son explication, son regard, ses gestes et le ton de sa voix se mirent à changer. Sans m’en rendre compte, il m’emmenait au cœur de son métier. La passion qu'il lui porte, faisait lentement surface, et Helen Durand était lancé ! Il passa en revue de manière engagée, tantôt amusé, mais surtout précis, les bases essentielles d’un terroir sain : L’apprentissage des sols, « savoir observer les changements et comprendre leurs besoins, leurs carences ». La biodynamie, « je n’avais pas de bons résultats avec le bio, alors il fallait tenter autre chose, se rapprocher de la nature, de sa sensibilité » .
Toutes les étapes m’étaient contées avec précision, limpidité et avec pour trame de fond, le terroir de Rasteau qu’il affectionne, « Les vins de Rasteau sont des vins casse-têtes, c’est cela que je veux montrer ».
Et pour cela, son rôle est d’être capable de s’effacer, pour être celui qui accompagne, qui guide la nature.
Helen pousse ce rôle si loin, qu’il se considère « en vacances » pendant les vendanges.
Le travail en cave est minime, car il favorise l’infusion à l’extraction, afin « d'apporter le moins d’empreinte possible » et laisser le terroir (encore lui) s’exprimer.
Ah oui ! À ce stade de la conversation, la dégustation avait bien commencé et j’étais en train de me rendre compte, ce qu’il appelle des vins casse-têtes, voir de « méditations ».
C’est vrai que les arômes étaient, dans certains vins, très surprenants et peu commun. On se laisse prendre rapidement au jeu.
Mais avec monsieur Durand, il ne faut pas oublier une chose :
Un vin ça se déguste, oui, « mais surtout, ça se boit » ! Si la complexité des vins du Trapadis est enchanteresse, elle est surtout là aussi, pour apporter du plaisir ! S’arrêter de réfléchir pour simplement ressentir… et rires aussi ! C’est ce que l’on a fait….
Au Trapadis, un bon vin est avant tout une bouteille vide !
Alors je vous rassure, à la fin, les bouteilles que nous avons dégusté ne l’étaient pas… Nous avons fini la dégustation à l’image des vins… Net et droit !
J’ai passé un excellent moment en compagnie d’Helen Durand. J’ai pu apprécier sa finesse d’esprit et sa convivialité.
J’ai aimé sa manière de transmettre son métier, sa façon d’en cerner la complexité et de mettre tout en oeuvre pour faciliter le résultat final.
Et puis on s’est bien marré et ça, je dois dire que c’est le meilleur des accords mets et vins.
Malheureusement, ce moment fut écourté par ce que vous savez… Est-ce que je suis rentré à temps ? Je pense que j’y suis encore…
Merci Monsieur Durand.
Les Vins
Le Trapadis signifie « trou » en provençal, en référence à la galerie souterraine creusée dans la parcelle des vieux grenaches, plantés en 1922, où naît la source qui alimente le hameau.
Le domaine produit majoritairement du Rasteau (25 ha) mais aussi d’autres appellations comme Cairanne, Côtes-du-Rhône-Villages Roaix, Côtes-du-Rhône et bien sûr, le Vin doux naturel de Rasteau.
Avant d'attaquer les Rasteau, deux pépites :
« Les Plans-2019 ». Ce Côte-du-Rhône blanc a une belle élégance, une fluidité et fraîcheur tout en maîtrise. Ses notes de poires, d’anis et de citrons se mêlent parfaitement avec la minéralité du terroir. Une grande finesse et clairement un vin de gastronomie.
Prix : 19 euros
Quant au Côtes-du-Rhône - Rosé, moi qui ne suis pas un grand fan des rosés, il m’a mis littéralement une claque.
La preuve en image :
Les Rasteau ont la réputation d’être des vins costauds, assez lourds, puissants.
Les vins d’Helen tendent vers l’équilibre, la fraîcheur et la finesse.
C'est le cas avec :
Les Cras - Rasteau - 2017
Cépages : 70% Grenache, Mourvèdre, Syrah, Carignan
Le terme « vin des copains » me vient à l’esprit mais je le trouve un peu trop galvaudé. Je dirais « le vin des copains bien choisis »
Avec un nez sur des notes de cassis, de zan et de violette. Cela lui donne de la gourmandise. On y trouve des arômes de poivres gris et d’iode qui vont apporter fraicheur et amplitude.
En bouche, c’est très souple, élancé, presque aérien. La matière est entourée d’un joli gras. On y retrouve les arômes de cassis, de poivres, et de violettes. Les tanins sont fins, encore légèrement fermes, et déposent leurs grains.
Toujours de l’élégance, de la fraicheur pour une finale fruitée.
Prix : 12,10 euros
Les Adrès - Rasteau - 2016
Cépages : 80% Grenache, Mourvèdre, Carignan
C’est un vin qui est élevé 40 % en cuve, 40% en jarres et 20% en vieilles barriques.
Celui-là pourrait s’appeler le « vin des copains, uniquement sur invitation ».
C’est du grand Rasteau avec un nez affirmé, gourmand et sauvage.
Il est très minéral, granitique et offre un curieux mélange de fruits frais comme la cerise, le cassis et des arômes de fruits macérés sur la prune et la cerise à l’eau-de-vie. Des arômes floraux s’invitent… La violette, le bleuet et quelques fines touches végétales comme le foin coupé.
C’est effectivement casse-tête…
La bouche, elle, est très concentrée, fruitée. Tension fraîche et puissance s’allient pour intensifier l’aromatique. Cela donne quelque chose, à la fois intense, mais aussi raffinée grâce à une matière enrobée. On retrouve ce grain de tanins comme sur "les Cras", mais avec plus de finesse.
C’est au final, un (grand) vin droit, équilibré avec de belles sensations d’amplitude, de gourmandise et d’intensité.
Élégant et réjouissant, le genre de vin que vous pouvez servir à votre conjoint(e), pour lui annoncer que vous avez planté la bagnole. Y a de grandes chances qu’il ou elle ne vous en tienne pas rigueur.
Rajoutez une souris d’agneau confite et là ça passe crème, comme on dit.
Prix : 19 euros
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