L’Histoire de France est riche et complexe et le vin fait partie intégrante de cette histoire. La vigne a façonné des terroirs et le visage de nos villages, jusqu’à leur conférer une forte identité culturelle.
J'ai décidé de me pencher sur des petits villages dont l'histoire du vin est indissociable de leur culture.
C’est avec Châteauneuf-de-Gadagne que j'ouvre cette série d'articles (Bonne lecture 😉)
Castèu-Nòu-la-Destrau
Châteauneuf-de-Gadagne est situé dans le Vaucluse près d’Avignon. Ce village est construit sur le versant d’une colline qui sépare la vallée du Rhône de l'intérieur du Vaucluse.
Village millénaire (VIIIe Siècle), village de bûcherons, qui portait le nom de Castèu-Nòu-la-Destrau (Châteauneuf-la-Hache). Mais comme fréquemment, en France, il faut remonter bien avant, avec une présence romaine, attestée par la découverte d’amphores, de dolium (jarre de 3000 l) et de vendangeuses. On y faisait déjà du Vin.
Terroir et "Papautage"
Et puis les Papes, bien sûr, qui n’avaient pas oublié d’aimer les bonnes choses et notamment le bon vin… Mais où produit-on du bon vin ? Sur les versants d’une colline évidemment… Chateauneuf-de-Gadagne était tout trouvé. Des bornes papales délimitent encore aujourd'hui le territoire en bordure de parcelles.
Un terroir d’exception fait d’argile, de calcaire et de galets roulés. Ces fameux galets qui ont la particularité de capter la chaleur la journée et de la restituer la nuit. Quant à l’argile, cette dernière retient plus facilement l’eau lors des fortes chaleurs. Ajouter à cela une exposition au Mistral qui assainira les vignes rapidement et vous avez un terroir qui alimenta nos chers pontifes, des années durant. Un terroir qui n’est pas sans rappeler celui de Châteauneuf-du-Pape...
De l'olive aux raisins
L’histoire de Châteauneuf-de-Gadagne avec le vin commence alors très tôt, mais ce ne fut pas la culture principale du village.
« Castrum Novum » fût aussi longtemps une terre d’oliviers. Une culture qui façonnera le terroir du village avec ses fameuses « listes », des bandes allant jusqu’à 300 mètres de long et 6 mètres de large où les oliviers se succèdent… Cette culture s’arrêtera brutalement en 1929 lors d’un gel dévastateur! Il fallut aux paysans de Châteauneuf-de-Gadagne et des alentours, rebondir. Heureusement, ils eurent la bonne idée de planter du raisin de table quelques années plus tôt et particulièrement le Chasselas. Grande réussite puisque cette culture a fait la renommée et la richesse des habitants du village. Ces raisins de table s'exportaient partout en Europe. Les marchés aux Chasselas étaient des rendez-vous incontournables. La commune voisine, « Le Thor », fût même la capitale du Chasselas, quand dans le même temps Châteauneuf-du-Pape, était la capitale de la cerise….
Vive Le Roy
Quelques temps plus tôt, un certain Pierre Baron Le Roy de Boiseaumarié, vigneron à Châteauneuf-du-Pape créa en 1924, le syndicat des vignerons de Châteauneuf-du-Pape, puis, en 1929, le syndicat des Côtes-du-Rhône. C’est en 1935 qu’il fonde l’INAO (institut national de l'origine et de la qualité) et qui donnera les fameuses AOC.
Châteauneuf-de-Gadagne prend le train en marche et fonde sa Cave Coopérative en 1929 et rejoint en 1937, l'AOC Côtes-du-Rhône.
A la fin des années 70, les vignes de Chasselas étaient arrivées à la fin de leur vie et la transition était toute trouvée. On passa donc du raisin de table au raisin de cuve.
On fait, donc du Côte-du-Rhône (plus intensément après le chasselas) depuis plus de 80 ans à Châteauneuf-de-Gadagne. À partir de 1997, on fera même des « Côtes-du-Rhône-Villages ».
Le « village » a été créé pour reconnaître un « terroir jouissant d'une incontestable notoriété constatée par des usages locaux, loyaux et constants. »
Et la reconnaissance, les vignerons de Châteauneuf-de-Gadagne la veulent et la méritent...
D’un château l’autre…
En 2000, née une volonté commune de porter une demande de reconnaissance communale et de pouvoir revendiquer leurs vins en « Côtes-du-Rhône-Villages Châteauneuf-de-Gadagne ». Cette demande sera portée officiellement devant l'INAO en 2005.
À l’annonce de cette initiative, certains producteurs de Châteauneuf-du-Pape voient rouge :
« Il n’y a qu’un seul Châteauneuf ».
Ils ne veulent pas que l’on puisse, un instant, confondre les deux. Pourtant, il existe beaucoup de Pierre Martin, mais il suffit d’observer deux minutes, pour se rendre compte qu’ils sont tous différents…
Je passe sur d’autres arguments qui prétendent démontrer qu’un « Châteauneuf » existait avant l’autre, ce n’est pas si évident… Toujours est-il que nos vignerons sont dans l’impasse, bien qu’ils se sentent légitimes de porter leur nom, et le dossier sera rejeté : il ne peut y avoir deux «Châteauneuf».
Oublie que t'as aucune chance, vas-y fonce, on sait jamais sur un malentendu ça peut marcher
Le Castelnovin est têtu ! Ce n’est pas pour rien que la devise de ce village est « Toujours davantage ! L'obstacle augmente mon ardeur » .
Alors en 2009, ils remettent le couvert et représentent le dossier en re-proposant « Côtes-du-Rhône-Villages Châteauneuf-de-Gadagne » (on ne sait jamais…), mais voyant que cela ne passait toujours pas, une autre solution était dans les cartons : « Côtes-du-Rhône-Villages Gadagne ».
Un Côtes-du-rhône-villages avec un nom de commune est ce que l’on nomme une « appellation avec dénomination géographique complémentaire » (DGC), et une DGC doit obligatoirement être enregistré au cadastre… or, « Gadagne », ne figure nulle part… Châteauneuf-de-Gadagne, oui ! Pas Gadagne…
Mais tant pis, la solution proposée conviendra à tout le monde. Nos vignerons auront la reconnaissance de leur identité, leur savoir faire et les autorités compétentes mettent fin à un dilemme qui aurait pu encore durer des années.
Pour finir
Après 12 ans d’un parcours de combattant, le premier millésime « Gadagne » vit le jour !
Et ça valait le coup !
Ce "Côtes-du-Rhône-Villages" est produit uniquement en rouge.
Il est produit sur 5 communes (Châteauneuf de Gadagne, Caumont-sur-Durance, Morières-les-Avignon, Saint-Saturnin-les-Avignon et Vedène).
Ce village de 3 311 habitants, abrite à lui seul, 180 hectares de vignes en « Gadagne » sur les 250 classés.
Les cépages principaux sont le Grenache (40% minimum), la Syrah et le Mourvèdre.
Six Vignerons et 1 cave Coopérative produisent cette appellation.
A mon humble avis...
À mon sens, cette appellation est une des meilleures dans son rapport qualité/prix qui existe dans la vallée du Rhône.
Les vins de Gadagne ont une identité commune avec une aromatique concentrée, bien spécifique sur les fruits noirs, le sous-bois et la minéralité. Après, chaque vigneron y ajoute sa patte et son talent, mais pour moi, on reconnaît un Gadagne, et il mériterait de passer en cru… Et ce cru-là, personne ne pourrait le confondre...
C’est mon avis. J’attends le vôtre 😉.
Alors si vous ne connaissez pas encore ce village où l’on trouve d’excellents vins, découvrez ses vignerons et laissez-vous tenter :
Les Vignerons de l'appellation Gadagne
Merci à tous les vignerons de m'avoir ouvert leurs portes et fait découvrir leurs vins. Merci pour votre accueil et votre sympathie.
Merci à Xavier Anglès de m'avoir retracé l'histoire de sa région. Ce qui a nourrit en grande partie cet article.
Domaine Bois de St Jean - Xavier et Vincent Anglès
Appartenant à Xavier et Vincent Anglès, le domaine est situé au bas de Châteauneuf-de-Gadagne dans la commune de Jonquerettes.
Pour cet article, j'ai rencontré Xavier.
La famille de Xavier réside sur ce village depuis le 17e siècle. Cet ancrage a fait de lui une des mémoires de Gadagne et de sa région. Un personnage passionné et passionnant qui vous transmet avec force, humour et conviction l’histoire de sa terre.
Il est également celui qui a porté la reconnaissance de l’appellation « Côtes du Rhône Villages Gadagne » avec le soutien des autres vignerons.
Chez les Anglès, on y fait du vin depuis 1986 grâce aux vignes de son grand-père. Xavier se souvient très bien des premières vendanges au pressoir manuel et du soutirage qu’il faisait, adolescent, avec des sceaux… Une autre époque…
Aujourd’hui, le domaine a grandi et s’étend sur 50 hectares et plusieurs appellations. Côtes du Rhône Villages Gadagne, évidemment, mais aussi Vacqueyras et Châteauneuf-du-Pape.
En ce qui concerne la conduite de la vigne, ici nous sommes en lutte raisonnée.
Comme beaucoup de vignerons, Xavier et Vincent ont un raisonnement pragmatique et bien qu’ayant le souci de prendre soin de leur terroir, ils ne veulent appartenir à aucune chapelle, ni logo. Leur liberté, ils y tiennent et ne l’abandonneront pas pour un système qu’ils n’estiment pas parfait… Le cahier des charges, ils se le fabriquent et il en ressort une exigence et une prévention de tous les instants.
En cave, la maîtrise des sulfites est de mise avec en moyenne 20 mg ajoutés lors de la vinification, quand le maximum autorisé, en bio, est de 100 mg.
Leur cuvée Gadagne 2017 :
Toutes appellations confondues, le domaine produit environ 100 000 bouteilles, 14000 pour le « Gadagne »
Vous aimerez : Sa complexité et son nez expressif sur les fruits mûrs tels que la cerise et la myrtille. Ses notes mentholées, de violette, de sous-bois et d'épices. Les tanins sont soyeux et caressant. un vin ample et gourmand.
Chateau de Fontségugne - Jean-Marc et Philippe Geren
Le Chateau de Fontségugne est l'un des porte-étendards de la culture de Châteauneuf-de-Gadagne et de la Culture Provençale. C’est ici qu’est né en 1854, le Félibrige, mouvement visant à promouvoir la « langue d’oc » et la culture provençale. L’écrivain et poète Frédéric Mistral (1830-1914) en a été le fondateur, avec 6 autres amis écrivains dont Joseph Roumanille, Théodore Aubanel et Paul Giera.
C’est la famille de ce dernier qui résida au château pendant de longues années et dont le grand-père de Philippe et Jean-Marc Geren en était le métayer ( il exploitait les terres agricoles de la famille Giera, dont la vigne). Quand les descendants de Paul Giera ont souhaité vendre le château, ils voulaient quelqu’un qui prendrait soin de ce patrimoine. La Famille Geren avait montré qu’elle en était capable et ce fût chose faite !
Mais c’est avec Jean-Marc et Philippe, en 2000 que le vin est entré au château. Jusque-là, le raisin était envoyé à la Coopérative.
Aujourd’hui, Jean-Marc et Philippe se contentent parfaitement de leurs 22 hectares et leurs ambitions se tournent vers la valorisation de ce bel endroit en voulant en faire un véritable lieu de vie. Développer la vente directe, organiser des événements avec dégustation dans les vignes et étendre la gamme de leurs cuvées.
Bref, faire du Chateau de Fontségugne, un des lieux incontournables des vins de Gadagne et perpétuer la mémoire de la culture provençale.
Leur Gadagne 2017 :
6 000 bouteilles, sur 35 000 environ, sont produitent en Gadagne.
Vous aimerez : son intensité aromatique sur le cassis, les épices et la violette, sa générosité, sa matière soyeuse et la souplesse des tanins. La finale est puissante, longue et fruitée.
Tout cela donne un vin ample et concentré avec une belle longueur.
Son prix : 9 euros
Domaine de La Chapelle - Sylvain Boussier
Comme pour le Chateau de Fontségugne, le Domaine de La Chapelle est un lieu Historique de Châteauneuf-de-Gadagne.
Construit au 17e siècle par les Jésuites, cet endroit était un lieu de vacances pour ces derniers, où l’on y apprenait à faire… du vin. Cela ne s’est jamais arrêté depuis. Plusieurs familles de vignerons se sont succédées, et c’est dans les années 50 que la famille de Sylvain s’est installée pour reprendre le flambeau…
Le vin est, encore aujourd’hui, un des rares secteurs où l’héritage et la passion se transmettent de génération en génération… Ce ne fut pas une évidence pour le père de Sylvain qui se voyait plutôt du côté des Beaux-Arts que dans un vignoble… Donc à l’heure de transmettre son héritage, Sylvain a été encouragé à suivre sa propre voie… Et tant pis si le domaine ne restait pas dans la famille. Un Doctorat de Mathématiques appliquées en informatique plus tard, Sylvain choisit tout de même de rejoindre le domaine… par passion.
Le flambeau n’est, donc, pas prêt de s’éteindre.
Avec seulement 8 ha, ce vignoble est le plus petit de l’appellation Gadagne, ce qui va très bien à ce vigneron, qui continue en parallèle à enseigner les mathématiques appliquées à la Faculté d’Avignon. L’objectif est même de le réduire en passant à 5 hectares, afin de pouvoir valoriser son patrimoine, de bichonner ses vignes et d’entamer la conversion en bio d’ici 1 ou 2 ans.
Un Vigneron qui a érigé « le temps de bien faire ce qu’il aime » en Chapelle.
Ses Gadagne 2018
Seulement 12000 bouteilles pour ce domaine dont 9 000 en Gadagne. C’est d’ailleurs le seul domaine à avoir 2 Cuvées dans cette appellation : « Gadagne Réserve » Et « Gadagne Tradition »
Pour le Gadagne Tradition.
Vous aimerez :
Ce mélange de douceur et de fermeté, de fraîcheur et de rondeur. Son nez est fin et complexe sur la mûre, la cerise noire, ainsi que les notes de sous-bois, champignons, la réglisse et quelques épices. Un vin droit, racé mais délicat.
Prix : 8,50e
Pour le Gadagne Réserve :
Même élégance, et même complexité que pour le premier et mais avec plus de matière et d'amplitude. Toujours cette cerise, mais rouge cette fois-ci. Le nez est gourmand, épicé et minéral. Un joli vin ample.
Prix : 10,50e
Domaine des Gariguettes - Sebastien Clément
Chez les Clément, on y fait du vin en famille ! Père, sœur, cousin et épouse, tout le monde met la main à la patte !
« Né à cheval entre un tracteur et une cuve », Sébastien est la 3e génération de vignerons. Il n’a jamais été question de faire, pour lui, autre chose que du vin.
À l’aube de reprendre le domaine, en 2010, sa seule exigence sera de travailler intégralement en bio.
Mais ce ne sera pas assez pour Sébastien…
En 2018, pour beaucoup de vignerons, le mildiou fut ravageur ! Et notamment pour les domaines certifiés en bio.
Quand pour certain, la question se pose de repasser en conventionnel ou d’arrêter tout simplement, Sébastien a l’ambition de passer en Biodynamie… Pas question de revenir en arrière ! Et si on ne traite pas, alors adoptons un mode de culture qui impliquera plus d’anticipation, plus de prévention ! Pari risqué, mais pari réussi ! Le domaine est en passe d’être certifié cette année.
Aujourd’hui, la réflexion ne s’arrête pas là… Ce jeune vigneron (lui-même intolérant aux sulfites) caresse l’ambition de faire des vins natures !
Autre bonne nouvelle pour le Domaine des Gariguettes, en plus de l’appellation Côtes du Rhône et Cotes du Rhône Village Gadagne, une nouvelle appellation verra le jour courant de l’année… Châteauneuf-du-Pape !
Son Gadagne 2017 :
Toutes appellations confondues, le domaine produit environ 30 000 bouteilles dont 8 000 en « Gadagne »
Vous aimerez :
Son équilibre et sa concentration aromatique, aussi bien au nez qu’en bouche, sur la myrtille, le cassis, et avec des touches iodées et végétales. Fraicheur, générosité et souplesse des tanins en font un vin structuré parfaitement équilibré.
Prix : 8 euros
Le Clos des Saumanes - Robert Janer
Le domaine du Clos des Saumanes a appartenu à un célèbre Jockey des année 50, considéré comme un artiste dans sa discipline, mais ce dernier décède prématurément et le domaine vivote jusqu’en 2008, année à laquelle Robert Janer rachète le domaine.
Robert n’est pas vigneron. Le lien qu’il entretenait avec le vignoble est le souvenir « d’une campagne » que possédait son père. Une campagne était une petite parcelle de vigne privée, où les propriétaires faisaient du vin pour leur consommation personnelle. Ce souvenir a bercé Robert Janer des années durant… Ancien chirurgien et directeur de clinique, Robert a décidé d’arrêter quand son métier devenait pour lui trop dévorant… Quitte à se perdre, autant que ce soit dans les hauteurs de Châteauneuf-de-Gadagne… à la campagne…
Il reprend donc le domaine avec lucidité, se rendant bien compte des difficultés, des exigences du métier et s’entoura de personnes compétentes pour le lui apprendre.
Rapidement, il décide de transformer ces 20 hectares, en bio, avec cette maxime : « Je n’ai pas passé ma vie à soigner les gens pour les empoisonner maintenant ».
Aujourd’hui Robert Janer fait les vins qu’il aime, en y mettant une exigence de tous les jours et en n'hésitant pas, par exemple à vendre ses vins, quand il estime qu’ils sont prêts et cela peut parfois attendre 3 ans.
Passion, rigueur et humilité...voilà ce qui porte ce vigneron.
Son Gadagne 2016 :
Sur les 40000 bouteilles produites, environ 27000 bouteilles sont en Gadagne.
Vous aimerez : les petits fruits noirs à l’eau-de-vie, les épices, la réglisse. Ce Gadagne se distingue par sa matière fondue, ses tanins souples et sa trame aromatique expressive et cohérente. Un vin droit et homogène avec une finale fruitée et minérale.
Prix : 10 euros
A Vedène, le Domaine des Pentelines produit du Gadagne et aussi la Cave coopérative
A bientôt pour un autre village...
Si vous avez aimé cet article, il y a un petit coeur en bas à droite 😉
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