Il y a des visites de domaines que l’on garde en mémoire.
Soit par la beauté des lieux, parce que les vins sont extraordinaires ou bien grâce aux rencontres que l’on y fait. Peu importe, il se passe des choses…
Et bien il y a eu tout ça, lors de ma venue au Clos de l’Oratoire des Papes.
Le domaine avait concocté un petit programme afin de faire partager leur travail, leur histoire et leur savoir faire.
Visite dans les vignes, la cave et puis la dégustation autour d’accords mets & vins. Surtout les blancs. C’était le thème. Une verticale de plusieurs millésimes. Si la Vallée du Rhône est plus réputée pour ses rouges, les appellations et les domaines cherchent à faire savoir qu’ils savent faire des jolis blancs avec de la finesse. Ils ont raison. Et comme à l’Oratoire des Papes, on fait les choses bien, du coup reprenons depuis le début.
Édouard
L’histoire commence en 1880 avec Édouard Amouroux.
Il fait beau, il se marie et reçoit en cadeau, par son mariage, une parcelle de vignes, située dans un clos. Il ne s’était pas trompé… En bas de cette parcelle, un oratoire (une petite chapelle en somme) dédié à Saint-Marc, patron des vignerons et protecteur des vignes contre les intempéries.
L’aventure peut commencer.
Vintage
Le fils d’Édouard, Léonce, bâtit la Maison Arnoux et renomme son vin « Clos de l’Oratoire des Papes ». On ne peut pas parler des vins sans s’arrêter sur leurs étiquettes. La même depuis 1926. Faites à la main dans le style Art déco, elle traverse les âges.
Boudée selon les époques, parfois en errance dans des boutiques de souvenirs, mais aujourd’hui, examinée sur les grandes tables gastronomiques. Icône de l’appellation, sourires de collectionneurs, intemporelles pour celles et ceux qui se souviennent… Et le vin, derrière l’étiquette, n’y est pas étranger, ça aide…
Un Prieuré pour le clos
120 ans plus tard, après la création du domaine, la famille Amouroux revend à la Maison Ogier, belle maison de négoce de Châteauneuf-du-Pape.
Située alors dans le centre du village, la cave était certainement un peu étroite, il a donc fallu un peu plus d’espace, mais pas n’importe lequel. Une bâtisse abandonnée, où l’on y stockait du sel issu d’une mine. Ça, c’était au 19e siècle.
Au 18ème c’était un prieuré, lieu de résidence des moines. En 2014, les rénovations commencent. Architectes, ébénistes, compagnons et artisans locaux travaillent pendant 2 ans pour offrir un domaine au clos de l’oratoire.
Le résultat est magnifique. Ça vaut le déplacement, comme on dit. Mais le voyage ne serait pas complet sans aller faire un tour dans les caves souterraines. Des tunnels empruntés jadis par les moines, creuser dans des sols de 15 millions d’années.
Le Clos de l’Oratoire prend de l’allure et s’impose comme un des plus beaux de l’appellation.
N’en déplaise à certains, le mariage a du bon…
L’autre Edouard
Son truc, c’est le terroir. Ses diversités, ses richesses. Le travail de la vigne aussi. Il a cette pensée, évidente, mais pas forcément rependue, que le travail le plus important est la qualité du raisin. Les trois-quarts du travail. Et quand il en parle, on comprend que pour lui, ce n’est pas une mode. Au-delà de la conviction. C’est une richesse, qu’il faut découvrir, comprendre et surtout faire vivre.
Édouard Guérin a fait ses armes en Turquie. Promu directeur technique à 23 ans, il apprend sur le tas. Des cépages aux noms imprononçables et une vision du travail différente. Il file ensuite en Australie, à la Maison Chapoutier, où il reçoit l’appétit féroce de Michel pour la recherche permanente des terroirs et la Bio-dynamie. Un petit tour dans le Roussillon pour revenir à la maison en 2015 en tant que directeur technique à la Maison Ogier et donc au clos de l’Oratoire des Papes… C’est désormais, ici, qu’il applique sa recherche de l’excellence. Cependant, hors de question de se passer de pratiques vertueuses. Si le "Clos" suit les principes de l’agriculture biologique, il se passe de l’utilisation d’engrais organiques utilisables en Bio. Il utilise le leur, enfin celui d’un éleveur voisin. Fumier de mouton, de cheval et de vache, 100 % naturel. La vigne, elle aussi, est bichonnée. Greffe des plants à la main, pour assurer une meilleure circulation de la sève et technique de taille qui n’occasionne aucune plaie aux vignes.
Un travail méticuleux, exigeant et respectueux des terroirs. Forcément, on a hâte de voir le résultat...
Fin d’une légende
Parmi les terroirs du domaine, on y trouve les safres pour la délicatesse, les éclats calcaires pour la fraîcheur et la minéralité et évidemment les fameux galets roulés. Vous savez ceux qui captent la chaleur la journée pour la restituer la nuit ? Alors tenez-vous bien ! (Tenez-vous mieux). Tout ceci serait une légende.... Et oui, j’avais bien fait de venir…
Pour Edouard, "c'est une belle histoire".
Et en même temps relisons cette phrase : « Les galets ont la propriété d’emmagasiner la chaleur du soleil pendant le jour pour la restituer la nuit ».
Quand vous pouvez atteindre des journées à plus de 40 degrés, est-ce que la vigne a besoin de chaleur la nuit ? Est-ce que ce ne serait pas le moment de respirer un peu ? Si les galets sont brulants à la tombée de la nuit, pourquoi les autres types de cailloux ne le seraient-ils pas, tout autant ?
Il n'y aurait donc pas de "vérité scientifique" à ce mythe !
Oh, je ne fais pas le fier. Je l’ai lu sur de nombreux sites la légende, et des prestigieux encore! Je l’ai raconté aussi. Et sur ce blog!
Et bien, je le laisse. Tant pis, ce qui est fait est fait. Alors pourquoi a-t-on véhiculé cette histoire ?
Certainement à une époque où les vins puissants étaient recherchés. Et puis c’était un mythe qui avait du panache.
Alors à quoi servent-ils ?
Généralement sous les galets, l’argile. Cette dernière a une fonction de rétention. Elle garde l’eau. Les galets, qui constituent une solide couche au-dessus de cette argile, ont le rôle d’empêcher l’eau de s’évaporer lors des fortes chaleurs. Voici donc la nouvelle version officielle. Qu’on se le dise ! Jusqu’à la prochaine…
À table
Depuis l’année dernière, le Clos de L’Oratoire a ouvert sa table d’hôtes.
Histoire de faire découvrir ses vins à travers la gastronomie.
Pour cette journée, c’est David Rocamora, l’ancien Chef et propriétaire du célèbre restaurant Châteauneuvois, La Mère Germaine, qui était à la manoeuvre.
Au menu : une cuisine raffinée, en accord avec les vins du domaine. On peut parler de double accord, tant la cuisine du chef était, en elle-même, un jeu d’association de goût parfois surprenant, étonnant et
qui maintient l’appétit dans une joyeuse curiosité. Un velouté de légumes, aux gambas et aux cébettes, une huître à l’artichaut, un rouget sur un sablé d’olives vertes ou bien encore un poulet de la Drôme aux girolles, avec du rutabaga et du chou italien… Bref : des couleurs, des odeurs et du goût.
Côté vins, cela a débuté par une verticale de vins blancs.
Au Programme : 2019, 2016, 2013 et 2011.
Avec un assemblage de Grenache Blanc, Bourboulenc, Clairette et Roussanne, les vins blancs du domaine possèdent une garde incroyable. Un des fils conducteurs entre tous ces millésimes, réside dans une empreinte aromatique reconnaissable. Si pour le 2019, les fruits sont dynamiques, le temps laisse apparaître des arômes de coings confits, comme pour le 2016 et le 2013. La réglisse est présente aussi. Embaumante sur le 2011, subtile sur le 2013. Mais les grandes stars des blancs sont, incontestablement, la fraîcheur et les finales salines. La première ne faiblit jamais et offre aux vins une tenue impeccable. Les deuxièmes varient, selon les millésimes, entre gourmandise et légère amertume.
Fraicheur nette dans la jeunesse du 2019 et cristalline pour le 2016. Le 2011 et le 2013 procurent un contraste saisissant entre l’évolution aromatique et une fraîcheur aérienne. Si je devais me résigner à l’exercice impensable, à savoir, résumer les vins blancs du domaine en une phrase… Je dirais : plus c’est vieux, plus c’est jeune ! On fait donc des grands vins blancs au Clos de l’Oratoire des Papes !
Prix : compter environ 42 euros pour les millésimes plus récents. Rajouter quelques euros pour les plus vieux et doter vous de patience pour en obtenir une… Si je devais vous en conseiller une… Arf… Pas facile ! Allez le 2013… Mais il ne reste que 300 bouteilles…
Il y eut aussi les rouges. Les cuvées classiques. Des vins prêt à boire dans leur jeunesse, mais qui se gardent parfaitement. Une fraîcheur tendue sur le 2019, une aromatique marquée sur le poivre avec des fruits rouges et noirs éclatant et des petites touches d’olives noires. Le 2014 livre des arômes de fraises écrasées, de cacao et des notes végétales. La fraîcheur s’est assouplie, l’aisance et la limpidité sont au rendez-vous. Prix : environ 40 euros.
« Les Chorégies ». Le grand vin par excellence. Le 2018, était un peu jeune, mais séduit déjà par la finesse de sa structure et sa bouche soyeuse. C’est racé, fruité et une finale puissamment maîtrisée. On comprend vers où « Les Chorégies » nous emmènent en dégustant le 2007. Des notes plus confiturées, le sous-bois s’invite, mais n’efface pas la gourmandise. Les tanins sont délicats, toujours soyeux et la fraîcheur retient la jeunesse des arômes.
Prix : Environ 90 euros
Voilà pour ce « compte-rendu » de ma journée au Clos de l’Oratoire des Papes. Un grand moment. Pour les amateurs d’œnotourisme, il est de ceux que l’on coche dans sa liste. Pour celles et ceux, qui se contenteraient seulement des vins… Ben, vous pouvez le cocher, aussi…
Bonus : Les Chorégies - 2016, une merveille… (Cliquez sur la photo)
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